Actualités  |  10.02.2023

10 millions d’ha certifiés gestion durable dans le bassin du Congo à horizon 2025

Le seuil de 10 millions d’ha certifiés gestion durable devrait être franchi en 2025, c’est ce que révèle l’analyse des données de certification forestière dans le Bassin du Congo réalisée par la Commission Certification de l’ATIBT. C’est aussi l’occasion de se pencher sur les leviers incitatifs à la certification dans les différents pays.

10 millions d’ha certifiés gestion durable dans le bassin du Congo à horizon 2025

Fin 2022, le Bassin du Congo compte 5 866 756 ha[1] de forêt certifiés gestion durable selon les certifications FSC et/ou PAFC (ce qui représente 12 % des forêts exploitables estimé à 47.5 millions d’ha par l’OFAC). Ces certifications sont présentes sur 3 pays : le Congo (2 989 168 ha), le Gabon 2 535 880 ha), et le Cameroun (341 708 ha).

Les certifications de légalité (OLB de Bureau Veritas, Legal Source de Preferred by Nature et TLV de Control Union) représentent 6 921 668 ha, dans 4 pays dont le Cameroun, le Gabon et le Congo (entre 2 et 2.5 millions d’ha par pays) et la RDC (205 608 ha).

 

Certification de gestion durable : la deuxième vague arrive

L’année 2022 est marquée par l’émission de nouveaux certificats de gestion durable, les premiers depuis la première vague des années 2000-2010. Il s’agit de deux certificats, l’un FSC (Gabon Advanded Wood – GAW), l’autre PAFC Gabon (BSO), émis au Gabon pour une surface totale de 474 690 ha, conformément aux perspectives évoqués l’année dernière. La surface de forêt gérée durablement est ainsi de 5.8 million d’ha fin 2022 (dont une concession doublement certifiée FSC/PAFC).

Ces nouveaux certificats marquent-ils le début d’une nouvelle vague de certification de gestion durable ? Les données des perspectives[2] sur le Bassin du Congo collectées par l’ATIBT montrent que cela pourrait être le cas, car il est estimé un gain de 4.2 millions d’ha supplémentaires (pour 13 entreprises) d’ici 2025, dont plus de la moitié au Gabon, le reste au Cameroun et au Congo. Ce qui porterait à 10 millions d’ha la surface de forêts gérées durablement, soit 73% de surface supplémentaire.

Cette deuxième vague s’explique par trois facteurs principaux :

  • les effets des mesures incitatives dans certains pays (voir ci-après),
  • les appuis du projet PPECF dans son ensemble et particulièrement la composante "coaching" permettant de financer directement auprès des opérateurs privés une partie du plan d'action de mise à niveau,
  • l’opérationnalisation du système PAFC Bassin du Congo, élargissant l’offre de certification de gestion durable des forêts.

La mise en œuvre du nouveau règlement zéro déforestation de l’Union Européenne (RDUE) estimée début 2025 aura également un impact sur cette dynamique, la certification étant considérée comme un outil d’analyse et de réduction du risque d’illégalité et de déforestation/dégradation forestière.

 

Certification de légalité : un certain ralentissement est observé

Les surfaces certifiées légales ont augmenté de 13% avec un gain net de 917 979 ha en 2022. Plus de 1,5 millions d’ha ont été certifiés légalité au Gabon, tandis qu’un certificat de plus de 500 000 ha a été retiré en RDC.

Les perspectives à horizon 2025 montrent une progression de 2,2 millions d’ha, ce qui porterait à 9 137 970 ha les surfaces certifiées légales.

Ce ralentissement des certifications de légalité s’explique sans doute par la fin d’une première vague d’entreprises intéressées et concernées par la démarche. Il reflète aussi le statut de certification d’étape vers une certification de gestion durable et l’effet des leviers réglementaires et institutionnels en faveur de la gestion durable.

Quel effet des mesures incitatives au niveau national ?

Ces résultats poussent également à s’interroger sur les effets des différentes mesures incitatives à la certification existantes dans le Bassin du Congo, qui peuvent être directes ou indirectes :

Incitations fiscales : il s’agit de mettre en place des incitations fiscales pour une certification indépendante tierce partie. Les taux de fiscalité forestière peuvent être modulés en fonction du fait qu’une entreprise forestière ait obtenu la certification et du type de certification. En 2020, le Gabon a adopté dans sa loi des finances une mesure qui distingue trois taux pour la taxe de superficie: 1) le taux le plus favorable concernant les concessions dont la gestion forestière durable est certifiée (réduction de 25 %) ; 2) un taux intermédiaire, pour les concessions dotées d’un certificat de légalité (augmentation de 50 %) ; et 3) le taux le plus élevé, pour les concessions dépourvues de toute certification (augmentation de 100 %. Le poids de la taxe de superficie dans la charge fiscale globale n’est toutefois pas élevé et la prochaine étape consisterait à aussi ajuster, suivant la même approche, les taxes sur la récolte et l’exportation (cf. Karsenty, A. 2021. Incitations fiscales et non fiscales à la gestion durable des forêts: Synthèse des enseignements tirés d’études de cas menées au Brésil, au Cambodge, au Congo, en Côte d’Ivoire, au Myanmar, au Pérou, en Thaïlande et au Viet Nam. Série Technique OIBT n° 48). Cette mesure, qui a été reconduite les années suivantes, est sans doute celle qui a le plus d’impact dans le développement de la certification. Au Cameroun, dans la loi de finances rectificative de 2021, le ministère des finances a introduit une fiscalité incitative sur la taxe d’abattage. Les sociétés certifiées gestion durable bénéficient d’un abattement fiscal, qui s’avère symbolique puisque la taxe d’abattage a été baissée de 1%.

Incitations politiques : Au Gabon, le président Ali bongo a déclaré en 2018 que toutes les concessions devraient être certifiées FSC d’ici à 2022, cette date butoir ayant été reportée à 2025. Cette déclaration, qui est élargie à la gestion durable des forêts, n’a pas encore été traduite en texte de loi, mais son effet se fait déjà sentir (associé à l’incitation fiscale), au vue du nombre d’entreprises d’engageant dans le processus de coaching PPECF et dans des démarches de certification.

Incitations réglementaires : La certification est maintenant reconnue comme étant un outil  performant pour améliorer les pratiques de gestion forestière légale et responsable, et dans ce sens il est très bénéfique que des dispositions réglementaires s’appuient de plus en plus dessus. Ce type d’incitation passe par l’inscription dans le corpus réglementaire de l’obligation d’être certifié selon une certification tierce partie. Au Congo, la nouvelle loi forestière 33-2020 du 08/07/2020 stipule dans l’article 72 que « Les sociétés forestières certifient la gestion de leurs concessions forestières aménagées ou la légalité des produits qui y sont exploités et transformés ». Les textes d’application de cette disposition sont toujours en attente. Cependant, l’inscription dans une loi de l'obligation d'une certification privée par tierce partie doit absolument faire l’objet de textes d’application qui en précisent les modalités et la portée, afin de limiter les effets et risques induits, tels que la confusion et la prédominance entre les exigences réglementaires et les exigences de certification, les risques d'une perte des prérogatives régaliennes de contrôle de l'administration et d'un désengagement de l'Etat, le poids donné aux conclusions des auditeurs et la pression qu’ils auraient à supporter, etc.

Incitations « institutionnelles » : citons cette dernière catégorie d’incitations au travers des APV FLEGT, accords de partenariat signés entre l’Union Européenne et le Cameroun, le Congo et la RCA, qui intègrent tous le principe de reconnaissance de la certification tierce partie (certification de légalité ou de gestion durable), notamment pour faciliter l'émission du certificat de légalité prévu dans le SVL (Système de Vérification de la Légalité). Dans le cas du Cameroun, la reconnaissance de la certification est effective depuis 2013 à travers un certain nombre de textes réglementaires.  l’APV FLEGT prévoit la délivrance de certificat de légalité FLEGT sur la base de la certification. Une procédure existe mais elle reste trop contraignante, et à ce jour, aucun titre forestier n’a reçu un certificat de légalité FLEGT sur la base de la reconnaissance de la certification, et cela reste un enjeu. Au Congo, un projet de manuel de procédures pour la prise en compte de la certification vérifiée tierce partie a été élaboré en 2020 mais ce manuel doit encore faire l’objet d’une évaluation pour être mis en œuvre.

Ces différentes mesures ont des effets différents, les plus efficaces étant les mesures fiscales et réglementaires. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que, bien qu’elle soit considérée comme étant une initiative purement privée, le recours à la certification forestière suscite un intérêt grandissant comme outil de politique publique en offrant des incitations à son adoption ou en la rendant obligatoire. La certification forestière est maintenant reconnue comme un moyen de lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts, en permettant d’assurer d’une récolte légale du bois. Ces mesures incitatives doivent être développées pour valoriser les démarches de certification et redonner de la compétitivité aux entreprises certifiées qui devraient, à travers un prix premium sur le bois certifié, pouvoir à minima compenser les cout directs et indirects de la certification. Côté marché, c’est également tout l’enjeu de faire adopter cet outil dans le futur règlement zéro déforestation de l’Union Européenne comme étant le plus performant.

[1] Une concession d’environ 600.000 ha est doublement certifiée au Gabon, qui est comptabilisée une fois dans le total

[2] Les perspectives sont calculées sur la base des informations transmises par le PPECF au travers de son activité de coaching, par les organismes de certification, et le cas échéant et par les entreprises, et partent d’une hypothèse où les certificats existants restent valides.

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